Madame Badinter explique ce phénomène par le fait que, maintenant que la femme est devenue libre d'avoir un enfant… ou pas, ce choix conditionne une responsabilisation excessive, doublé d'une culpabilisation amplifiée par certains courants de pensée[1], qui la pousse à être la mère parfaite qui doit tout à l'enfant. À la seconde où vous êtes enceinte, dénonce-t-elle, c'est l'embryon qui fait la loi, puis le bébé, puis le jeune enfant, puis l'adolescent. Regardons la question de plus près.
J'ai peur pour mon enfant !
Cette expression - qui se traduit dans mes stages par J'ai peur pour mon cheval -, est la manifestation d'un instinct de protection particulièrement développé chez la femme. Elle provoque chez elle une anxiété - amplifiée selon Élisabeth Badinter par la vision néoféministe qui fait des femmes des victimes par essence et des hommes des prédateurs par essence - qui peut avoir de lourdes conséquences :
- Elle n'ose pas s'opposer à son enfant de peur de le contrarier et d'être une mauvaise mère, et éprouve de ce fait de grandes difficultés à lui faire respecter les règles.
- Ressurgit dès que l'enfant paraît une méfiance atavique de l'homme qui la pousse à faire de la charge de l'enfant son domaine exclusif.
Élisabeth Badinter écrivait en 1980[2] : Le moteur essentiel qui a poussé les femmes à reprendre en charge leurs enfants, c'est tout simplement leur volonté de puissance. Constat sévère même si elle ajoute, pleine d'espoir : Nous prenons acte de la naissance d'une irréductible volonté féminine de partager l'univers et les enfants avec les hommes.
Redonner sa place au père
Pour supprimer les excès de ces attitudes, il est indispensable que la mère redonne sa place au père[3]. Son rôle est fondamental car il est un support, une sécurité, un moyen de construction importante pour l’enfant, constate la psychologue Sophie Caldier[4]. Elle ajoute : naître en tant que père c’est donner à l’enfant son véritable statut de Sujet.
Or tout va dépendre de la mère car c’est dans la mesure où elle l'introduit auprès de l'enfant, qu'il va naître en tant que père. Cette place est essentielle : C’est en sortant du champ maternel que l'enfant pourra aller prendre sa place d’homme ou de femme dans la société. D'autant que le père, c’est aussi le garant de cette autorité constructive qui positionne les limites et qui fera des enfants des adultes responsables.
Positionner les limites
Pour se faire une idée de comment œuvrer pour rétablir l'autorité parentale et recréer l'harmonie au sein de la famille, rien de tel que de regarder l'émission SUPER NANNY. Remarque en passant : les méthodes que la "coach" met en œuvre sont tout à fait comparables à celles que j'utilise pour le cheval. Aperçu :
- Établir les règles via une charte. (Avec le cheval la règle à suivre est indiquée par le signe-langage).
- Toujours agir avec bienveillance.
- Prendre conscience que la bienveillance consiste à créer une ambiance harmonieuse et épanouissante, et donc à répondre au besoin de limites de l'enfant (ou du cheval) en faisant respecter les règles, en particulier celle du respect d'autrui. Ce qui leur permet (à l'enfant et au cheval) de se structurer, c'est-à-dire de savoir quoi penser et comment se comporter.
- Se méfier de la gentillesse qui fait souvent apparaître l'éducateur comme un dominé.
- Bannir la peur, la colère et l'impatience de notre comportement.
- Être cohérent et rigoureux, sans être exigeant.
- En cas de résistance ou d'opposition, l'enfant (ou le cheval) étant peu sensible à la raison[5], créer une situation inconfortable mesurée (par paliers successifs) jusqu'à ce qu'il donne la réponse attendue.
- Ne pas faire semblant.
- Spécial enfant : si la situation ne permet pas d'intervenir, promettre une sanction et s'y tenir.
- Cultiver l'esprit d'équipe entre éducateurs et ne jamais étaler leurs différents devant l'enfant. Etc.
C'est alors qu'avec une équipe parentale pleinement reconstituée, la mère voit sa charge mentale considérablement allégée. A chacun de faire une partie du chemin. Vers davantage de tempérance chez les Dames, en faisant les efforts nécessaires chez les Messieurs.
L'éducation chez Aristote
Pour le philosophe, les vertus morales ne naissent pas naturellement (Éthique à Nicomaque II 4, 1106a6-10), et ne sont pas non plus le résultat de la seule connaissance (Éthique à Eudème I 6, 1216b20-25). L’éducateur aristotélicien est donc en charge du développement de l’êthos (ἦθος)[6] de l’enfant. D’autant plus que, n'ayant pas les facultés rationnelles de l'adulte et ne possédant que de manière imparfaite la faculté de délibérer, il se trouve dans un rapport de subordination vis-à-vis de ses parents et en particulier à son père[7].
Notes
[1] L'éducation positive en particulier, dénoncée par Caroline Goldman, docteur en psychologie de l'enfant. Voir mon essai sur ces questions : "Éducation bienveillante du cheval et de l'être humain : l'effet miroir", p. 83 et s.
[2] "L’amour en plus", essai dans lequel elle remet en question le dogme de l'instinct maternel.
[3] Conjoint ou compagnon responsable, prêt à agir en père, même s'il est imparfait.
[4] Lien : https://www.psychologika.com/dossier/la-fonction-paternelle/
[5] Cf. le palier pré-conventionnel de Kolhberg, p. 28 de mon essai.
[6] concerne à la fois les mœurs et le comportement d'un individu.
[7] (Ir)rationalité et éducation chez Aristote. Lien : https://www.erudit.org/fr/revues/pie/2017-v24-n2-pie05405/1070600ar/
1 De Valérie -
Votre billet télescope l'amertume que me laisse le jugement qui m'octroie la garde de mes enfants et nous fait sortir de la garde alternée (jugement demandé suite à l'opposition catégorique de l'un de nos enfants d'aller chez son père).
Ce jugement a pour moi le goût de l'échec. La fin de la garde alternée signifie l'échec de la parentalité. Après l'échec de notre couple, nous avons échoué à gérer les enfants ensemble...
Peut être qu'après tout, cet échec n'en est pas un et que ensemble, son père et moi, nous avons créé cet être libre et indépendant qu'est notre fils. On contribue parfois de manière étrange à leur éducation.
Finalement, les choses sont comme elles sont. On fait tous de notre mieux.
2 De Emmanuel -
Un homme par les temps qui courent n'a plus vraiment le droit de parler de la femme.