Turfan en Chine. Au hasard des rencontres
Une lectrice m’écrit : "C'est super, la bienveillance, cadrer les enfants dans le calme. En théorie ! Mais quand tu es une maman solitaire, que tu rentres du boulot claquée, et que tes gamins te poussent à bout, t'as beau pratiquer le yoga et tout ce que tu veux, ben parfois, ça explose... et la punition tombe ! Et après ? Ben tu culpabilises !"
Première réaction, pourquoi culpabilise-t-elle ? Elle n’aurait pas culpabilisé il y a quelques décennies. Lorsque j’étais en âge scolaire, punir était même le renforcement privilégié des méthodes d’éducation comportementales (j’en parle en connaissance de cause !). Prenons conscience que notre société actuelle est culpabilisante, infantilisante. Ce n’est pas une bonne chose.
Par ailleurs, notre lectrice ne fait-elle pas la confusion entre gentillesse et bienveillance ? Pour l’éducateur ces deux notions n’ont rien de comparable. Pourquoi dit-on : « Gentil n’a qu’un œil, moi j’en ai deux. » On peut être gentil avec quelqu’un, non par pur altruisme, mais par intérêt, pour le séduire, emporter son adhésion, ou encore par couardise, parce qu’on n’ose pas l’affronter. Avec un cheval, la gentillesse entraîne un comportement de prévenances, de récompenses inappropriées qui, pour lui, sont la marque d’une servilité. Elle place immanquablement le cavalier dans la catégorie des dominés. Nous croyons qu’en étant gentil avec lui, il va être gentil avec nous et le voilà inattentif, qui nous bouscule, s’arrête où bon lui semble, sans aucune considération pour le meneur de jeu que nous devrions représenter pour lui. Gentil n’a qu’un œil parce qu’il ne voit pas la réalité telle qu’elle est. La nature n’est pas gentille, ni la société. Nous devons y préparer nos enfants.
Comme tout être humain, ils ont ces moments d’égoïsmes, de paresse ou de malveillance. Et comme le cheval, ils ont besoin qu’on leur montre les limites à respecter pour qu’ils sachent comment se comporter. Cela fait partie de leur structuration. C’est ainsi qu’ils acquièrent les références qui les centrent et en terminent avec leur désordre intérieur (cf. l'état de leur chambre !).
De la part de l’enseignant que sont les parents, cela demande de la rigueur, voire de la fermeté. Veillons au respect des règles, faisons ce qu’on dit, même lorsque la gentillesse nous incite au laxisme. Comme avec les chevaux, on ne fait pas semblant… et on ne se contredit pas entre conjoint devant les enfants.
Tôt ou tard, cette attitude nous vaudra toujours l’estime de notre enfant. Et c’est la seule façon d’inspirer le respect à nos apprenants. D'autant qu'elle fait partie de la bienveillance, définie justement par le CNRTL comme la qualité d'une volonté qui vise le bien et le bonheur d'autrui. Le fait d’utiliser le terme volonté plutôt que personne montre bien que c’est l’attribut de ceux qui ont un projet pour autrui, une mission particulière (soigner, employer, éduquer). La bienveillance est la qualité cardinale du bâtisseur qu’est l’éducateur. Elle consiste à regarder son apprenant comme un être de potentiel, à croire en lui, envers et contre tout. Elle crée un état d’esprit qui à la longue motive l’apprenant, désarme ses résistances, dissout ses blocages.
Ma lectrice n’a pas à culpabiliser. Sa réaction apprend à ses enfants que leur mère existe en tant qu’être humain et qu’ils ont eux aussi à respecter ses états physiologiques et émotionnels. La bienveillance comme l’amour consistent à vouloir le bien de l’autre mais surtout à mettre en œuvre cette volonté. Elle passe aussi par le rappel à l’ordre.